Sokcho Diary : Mountains
- 18 août 2019
- 4 min de lecture
Le vent souffle du haut de la montagne. Devant moi, la vallée s'étend à perte de vue. Une forêt scindée en deux par une petite rivière s'étale sous mes pieds.
Balancée par les vents balayant la falaise, je tente de me raccrocher à la barrière... qui tangue !
Pour la première fois de ma vie, je ressens la peur du vide.
Je me sens petite. Je me sens rien.
Comme si les vents violents qui soufflent là haut allaient m’emporter avec eux.
Si je meurs ici, je serai seule. Est-ce que quelqu'un retrouvera mon corps ?
Ou peut-être les ours le trouveront-ils en premiers. Il paraît qu'il y en a dans cette chaîne de montagne qui relie la Corée du Sud à la Corée du Nord.
C'est le genre d'inepties qui traverse mon esprit alors que je suis face à ce paysage merveilleux.
Et en même temps je me sens tellement chanceuse d'être là, d'être en vie et d'avoir souffert autant pour grimper cette montagne, parce que la vue est à couper le souffle !
Je regarde l'heure. Encore le temps de grimper jusqu'à l'interstice tout en haut des escaliers avant de redescendre pour être à l'heure pour prendre mon bus.
Deux jours plus tôt, j’étais arrivée à Sokcho accompagnée de Jean-Guillaume. C’est un photographe et blogueur français qui séjournait dans ma guesthouse à Séoul. Le soir même, nous avons visité un peu la ville en nous promenant. Sokcho étant située sur la côté Est du pays, la plupart des panneaux de signalisation étaient écrits en russe et en coréen. Seule la Corée du Nord séparait les deux pays par la terre. J’en déduisis donc qu’il devait y avoir un ferry reliant la Russie à la Corée du Sud.
Le lendemain, je faisais mes premiers pas de voyageuse solitaire en allant faire le tour du lac à pieds. Aussitôt engagée dans le brouillard, je regrettais de ne pas avoir loué de vélo, car le lac était assez grand et le ciel menaçait d’inonder le paysage de torrents de pluie.
Pourtant, je refusais de faire demi-tour.
La piste était vide de monde, mais l’endroit restait agréable à visiter. Je me suis prise d’admiration pour des rochers faisant dix fois ma taille. Une fois grimpée dessus, on pouvait atteindre une vue parfaite, même si le brouillard masquait l'horizon. Les gros cailloux qui m’entouraient semblaient pouvoir rouler sur moi au moindre choc. Il m'était impossible de prendre une photo rendant justice au lieu. Après quelques minutes de contemplation, les nuages gris s'amassant dans le ciel m’ont donc finalement décidée à repartir.
A mon retour dans la guest house, j’ai constaté que les ordinateurs étaient toujours fâchés contre moi. Jean-Guillaume en est même venu à me prêter le sien pour que je puisse acheter mon billet pour l'île la plus célèbre de Corée. Accompagnés de deux françaises tout juste arrivées, nous avons passé un bon moment sur l'ordinateur, avant de passer en terrasse pour discuter de voyages.
Ce matin est mon dernier jour à Sokcho. Le soleil étant revenu, j'ai décidé de faire ce pour quoi je suis venue : le Seoraksan.
Le massif du Seoraksan est une chaîne de montagnes. Le parc qui marque son entrée s'ouvre sur une statue d'ours. Un peu plus loin, apparaît une gigantesque statue de Bouddha abritant un temple sous son socle.
Le sentier traverse ensuite un pont qui s'enfonce dans la forêt. Il est assez facile de passer à côté du temple magnifique qui s’y cache. Il ne paye pas de mine, dissimulé par de modestes murs de pierres. Pourtant, c'est le lieu le plus beau que j'ai pu voir dans ce pays.
Majestueux et humble.
Simple et coloré.
Immense et pourtant tellement petit face à l'écrasante ombre de la montagne.
J’y ai encore rencontré des russes. Est-ce un signe d'en voir tout le temps partout ? Je crois que mes pas me conduisent tout droit au pays des tsars...
J’ai repris ma route en suivant la rivière. Plus le paysage était beau, plus l'ascension se faisait difficile. Ou peut-être était-ce moi qui avait un peu trop abusé sur la soupe de gâteau de riz et les gourmandises coréennes, puisque je me faisais doubler par des ajummas en pleine forme ! Le garde forestier que j'ai croisé 15 minutes plus tôt m'a confié : "je vous conseille d'aller jusqu'en haut. Ce seront les 15 min les plus difficiles de votre vie, mais ça vaut le coup !" C'est ce que j'ai fait.
J'arrive en haut de l'escalier pour découvrir... un temple taillé à même la falaise ! Au beau milieu des montagnes, devant une forêt grandiose, balancée par les vents, je prends la claque de ma vie.
Ce temple est si paisible.
Je récolte un peu d'eau de source qui coule de la roche pour me désaltérer. Je pourrais bien m'habituer à cette vue.
Ah non, ça y est, je me suis habituée !
Le temps passe et je ne me lasse pas. Je regarde l'heure. Hum, encore cinq minutes, même si je dois marcher vite. Ce rêve est beaucoup trop chouette ! A ce moment, j'ai juste l'impression d'être à ma place dans le monde. Encore une fois. Il n'y a rien de mieux que ce sentiment.
A contrecœur, j'entame la descente. Pierre Bottero avait raison ; la descente est toujours plus dure que la montée, dans le sens où mettre hâtivement le pied sur la mauvaise pierre pourrait m'envoyer en bas plus vite que prévu...
Comme j'ai écrit un joli texte pour une carte postale quand j’étais en haut de la montagne, je profite de ma rapidité pour m’arrêter brièvement à la boutique de souvenirs à l'entrée du parc. Ils ne sont pas avares en cartes postales, mais je réussis tout de même à en trouver quelques unes sympas.
Comments