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Séoul Diary - Week 8 : Out of law (Mission 1)

  • 18 juin 2018
  • 4 min de lecture

Cette semaine avait bien commencé, pourtant.

Premier jour au club de Taekkyeon, l’ancêtre du Taekwondo : après avoir battu un à un la moitié des membres du club, j’ai failli battre leur leader. J’ai adoré ce combat. Aucun de nous ne voulait toucher le sol pour s’avouer vaincu. C’était presque comme une danse.

Tout le monde était impressionné que je me batte aussi bien.

Pourtant, j’ai tout de même perdu.

C’était une bonne journée. C’est en rentrant que j’ai vu que quelque chose n’allait pas. Le café de la guest house était étrangement calme. Un message de Nikita n’a fait que confirmer mon pressentiment. Il me demandait si je savais ce qu’il se passait avec Ruslan. Bien entendu, je n’en avais pas la moindre idée.

Ses affaires étaient encore sur la table sur laquelle on avait l’habitude de travailler ensemble le soir. Gabor m’a dit qu’il était au poste de police. Je ne comprenais pas pourquoi, même si je connaissais sa situation.

Je me suis donc empressée de dire à Nikita et Alex de ne surtout pas revenir avant que je sache ce qu’il se passait, étant donné qu’ils séjournaient en Corée du Sud dans l’illégalité, tout comme Ruslan. Quelle idée de rater son avion alors qu’on a besoin de sortir du pays pour renouveler son visa !

Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris toute l’histoire. J’ai attendu jusqu’au bout de la nuit en tentant tant bien que mal de faire mon dossier pour le cours de civilisation coréenne du lendemain. J’étais encore en train de travailler lorsque Bona, la manager, et Mijeong, la propriétaire, sont rentrées.

Sans Ruslan.

Elles m’ont expliquées que c’est lui qui est entré dans l’une des chambres en pleine nuit et qui s’est enfui quand la police est arrivée. Quelques heures plus tôt, dans la journée, il a décidé d’aller voir la famille qu’il a effrayé pour s’excuser. Manque de chance, ils ont tenu à régler l’histoire avec la police. Il s’est donc rendu, mais ça n’a pas suffit, parce que les clients n’ayant plus confiance ont décidé de quitter la guest house. La propriétaire était donc très en colère. Elle ne souhaitait plus avoir de russes dans la guest house, alors même qu’ils constituent la majeure partie de ses clients réguliers.

En douce, j’envoyais un ultime message à mes deux amis pour leur confirmer de rester cachés, alors que Bona continuait de me raconter toute l’histoire.

Arrivés au poste de police, Ruslan s’est expliqué. Alors que la manager essayait de lui dire discrètement de ne pas révéler la vérité sur ce qu’il faisait en Corée du Sud, les policiers ont posé la question fatidique :

“Pour quelle raison êtes-vous sur le territoire coréen ?”

“Travailler.”

Au moment où il a prononcé ces mots, tout le monde savait que c’en était fini de son aventure coréenne. Il ne pourrait jamais revenir. En plus de travailler illégalement, il avait dépassé la durée maximum pour un séjour touristique en Corée. En d’autres termes, son visa était périmé et il n’était pas sorti du pays pour le renouveler. Les policiers l’ont gardé pour un entretien plus approfondi, alors que Mijeong et Bona ont dû quitter le commissariat.

De nombreux russes viennent travailler en Corée du Sud, parce que c’est l’un des rares pays pour lesquels ils n’ont pas besoin d’avoir un visa touristique pour y entrer. En plus de cela, c’est un état dans lequel ils peuvent trouver un job bien plus facilement que dans leur pays. Beaucoup s’y essaient. Certains restent plus longtemps que d’autres. Tout le monde sait que la plupart vont essayer de travailler au noir dans des boulots aussi difficiles que ceux que peuvent effectuer les migrants illégaux qu’on croise en France. Des boulots très physiques que la majorité des jeunes coréens ne veulent pas faire.

La plupart des russes que j’ai rencontré n’aiment pas la Russie. Ni les russes. Ils veulent s’échapper de ce pays qui les entrave.

Ruslan déteste la Russie. Dès qu’il y sera retourné, il ne pourra plus en sortir. Ce sera bien plus difficile pour lui d’avoir un visa pour visiter une autre partie du monde.

Après cette triste nuit, je n’ai pas eu de nouvelles de Nikita et Alex durant une journée.

Le lendemain, c’est Selim qui est venu prendre des nouvelles et voir ce qu’il pouvait faire pour aider Ruslan.

Dans la journée, Ruslan m’a appelée par le téléphone de Bona pour me confirmer ce que je savais déjà : il va être transféré dans une prison pour migrants illégaux. A partir de cette étape, il est sur le chemin de sortie du pays. Il n’y a pas de retour possible.

Un après-midi, alors que je retrouvais les garçons pour réfléchir sur la situation, Bona leur a donné rendez-vous au métro afin de leur transmettre toutes les informations utiles pour aider Ruslan. En effet, dès son transfert, on perd sa trace. Pas moyen de savoir dans quelle prison il est enfermé. La manager nous a confié qu’il serait sûrement transféré dans une prison en périphérie de la ville, proche de l’aéroport. Arrivé là bas, ils vont lui confisquer ses biens personnels jusqu’à ce qu’il aille à l’aéroport. Ils lui retireront ses menottes seulement une fois sur le quai d’embarquement. Tout ce qu’il nous restait donc à faire était de trouver cette prison, de désigner quelqu’un de légal pour y entrer et de rassembler toutes ses affaires pour les lui faire parvenir avant qu’il ne quitte le pays.

On a donc commencé par cette dernière étape.

Après un aller-retour dans le métro, nous sommes retournés en direction de Hyehwa, notre quartier, pour un dernier meeting dans la guest house afin de récupérer les affaires de Ruslan. Après que nous ayons chacun laissé un petit mot dans le carnet de notre ami, les garçons sont partis pour Incheon, où se trouve l’aéroport international, afin que Selim rapporte le sac de voyage à son propriétaire.

Malheureusement, il était déjà parti.

Les policiers souhaitant qu’il quitte au plus vite le territoire ont acheté le billet d’avion à sa place et ont pris le vol le plus tôt possible, mais c’était également le plus cher. Ruslan est donc arrivé à Vladivostok sans argent, sans vêtements et avec pour objectif de traverser le plus grand pays du monde pour retourner chez ses parents.

Cette première mission était donc un échec.


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